A. Maitra, M. Lenz (LPTMS)
Le vivant s’organise souvent sous forme de « troupeaux » d’objets quasi-identiques, depuis la nage synchronisée de bancs de poissons jusqu’à la migration coordonnée de cellules lors de la guérison d’une plaie. Ces mouvements diffèrent fondamentalement de ceux d’objets « morts » car chacun de leurs acteurs y contribue son mouvement propre. Des considérations théoriques suggèrent que ce mouvement intrinsèque rend les objets actifs fondamentalement instables, ce qui condamnerait leurs troupeaux à se désorganiser lorsqu’ils dépassent une certaine taille. Cette prédiction est toutefois contredite par certaines observations expérimentales.
Afin de rendre compte de cette stabilité inattendue, deux chercheurs du Laboratoire de Physique Théorique et Modèles Statistiques ont étudié théoriquement le comportement de troupeaux d’objets automoteurs particuliers. Ils se sont spécifiquement intéressés à des objets capable de tourner sur eux-mêmes comme des toupies, une caractéristique que présentent certaines bactéries présentes dans nos intestins, ainsi que les cellules constituant la surface intérieure de nos organes. En présence de petites imperfections dans leur arrangement, de telles particules sont toujours soumises à une combinaison de deux perturbations illustrées ci-dessous, dont les théories antérieures prédisent qu’une au moins doit croître de manière catastrophique pour détruire l’organisation du troupeau. Dans leur article, publié dans la revue Nature Communications, les chercheurs démontrent cependant que la rotation rapide de leurs particules leur permet d’échapper à cette fatalité en transformant périodiquement les configurations instables en configurations stable, permettant ainsi d’endiguer leur croissance. Ce nouveau mécanisme pourrait contribuer à une meilleure compréhension de nos cellules, mais aussi à la conception de systèmes actifs artificiels capables de manipuler des objets à l’échelle micrométrique.
Référence : A. Maitra, M. Lenz, Spontaneous rotation can stabilise ordered chiral active fluids, Nature Communications 10, 920, (2019)
Résultats obtenus dans le cadre du projet Disordered assemblies of biofilaments: from aggregation to contractility (BioFib) financé par le thème 2 du LabEx PALM et porté par Martin Lenz.