Les isolants topologiques sondés par des impulsions laser ultrarapides

Le projet FASTMAP a permis d’étudier la dynamique des électrons dans les isolants topologiques : ce nouvel état quantique de la matière est caractérisé par des états électroniques conducteurs en surface, tandis qu’ils sont isolants dans le volume. Les électrons de surface possèdent une mobilité exceptionnelle et sont particulièrement insensibles à la présence de défauts, ce qui ouvre de nouvelles perspectives pour transmettre le courant électrique et les informations avec une vitesse sans précédent.

Pour pouvoir exploiter ce potentiel, il est néanmoins nécessaire de pouvoir contrôler ces électrons de surface sur une échelle de temps très courte, ce qui peut être possible par exemple avec des impulsions de lumière ultra-brèves. Une équipe formée par des chercheurs du LabEx PALM (Laboratoire de Physique des Solides, Laboratoires des Solides Irradiés, Synchrotron SOLEIL, Laboratoire d’Optique Appliquée) a utilisé une technique expérimentale nouvelle et très puissante, la photoémission angulaire avec une source laser femtoseconde, qui permet d’observer en temps réel la dynamique des bandes électroniques. Cette méthode permet l’observation directe de l’évolution des électrons de surface qui, dans les isolants topologiques, sont organisés dans des bandes avec une structure particulière —le cône de Dirac— comme montré dans un article publié récemment dans la revue Nature Communications.

Suite à une impulsion laser, les électrons sont excités dans des états normalement vides et leur relaxation peut être suivie en temps réel dans des séquences d’images (voir le film) qui permettent de mesurer directement la durée de vie des excitations. Ces mesures, effectuées sur plusieurs isolants topologiques de la famille Bi2Te3 et Bi2Te2Se, ont montré que l’on peut créer une asymétrie entre électrons et trous dans les états conducteurs de surface. Grâce aux propriétés uniques des fermions de Dirac, cela permet de générer avec la lumière des états électroniques fortement hors équilibre et avec une durée de vie exceptionnellement longue, de plusieurs dizaines de picosecondes (voir la figure), ce qui est absolument sans précédent pour un état métallique.

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Figure : Évolution temporelle du cône de Dirac et des bandes électroniques de l’isolant topologique Bi2Te3 suite à l’excitation avec des impulsions laser ultrarapides.

Le déplacement transitoire du potentiel chimique des fermions de Dirac se traduit par un changement important de la barrière énergétique entre les bandes électroniques du volume et les états métalliques de surface. Cette discontinuité correspond à la barrière de Schottky, le paramètre physique fondamental pour le fonctionnement des dispositifs comme les diodes semi-conductrices : la possibilité de modifier et de contrôler cette barrière avec des impulsions de lumière ultrarapides a donc un grand intérêt dans la perspective d’utiliser les isolants topologiques pour une nouvelle génération de dispositifs photoconducteurs.

Référence : Tuning a Schottky barrier in a photoexcited topological insulator with transient Dirac cone electron-hole asymmetry  M. Hajlaoui, E. Papalazarou, J. Mauchain, L. Perfetti, A. Taleb-Ibrahimi, F. Navarin, M. Monteverde, P. Auban-Senzier, C.R. Pasquier, N. Moisan, D. Boschetto, M. Neupane, M.Z. Hasan, T. Durakiewicz, Z. Jiang, Y. Xu, I. Miotkowski, Y.P. Chen, S. Jia, H.W. Ji, R.J. Cava and M. Marsi. Nature Communications5, 3003, (2014).

Résultats obtenus dans le cadre du projet  » UltraFAST Band MAPping of complex materials with fs XUV sources » (FASTMAP 2012-2015) financé par le thème 3 du LabEx PALM et porté par Marino Marsi.

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